Le système de chirurgie assistée par robot da Vinci®

En juin 2012, faisant suite à des recommandations du CEDIT, le Professeur Laurent Sedel a été mandaté pour mener une réflexion sur l’avenir de la chirurgie assistée par robot à l’AP-HP. Cet article offre une synthèse de l’évaluation clinique et médico-économique réalisée à l’occasion de ce travail.

Description du dispositif

Les seuls télémanipulateurs disponibles actuellement sur le marché sont les équipements de la gamme da Vinci de la société Intuitive Surgical (Etats-Unis).

Le système da Vinci est un télémanipulateur couplé à un dispositif endoscopique qui effectue les gestes réalisés actuellement en chirurgie laparoscopique ou cœlioscopique. Tous les mouvements d’instruments sont directement commandés par un chirurgien ; ce n’est donc pas le robot qui « opère ».

Le système se compose d’une console de commande à distance du patients (en pratique dans la salle d’opération) comprenant un dispositif de vision stéréoscopique et des interfaces de commandes (joysticks), de « bras », d’une interface motorisée positionnée près du patient et contrôlant directement les bras porte-instruments et les instruments (chacun pouvant être déplacé suivant 7 degrés de liberté); une console informatique contrôle l’ensemble. Il existe également un module pour l’entrainement virtuel. Les principaux instruments utilisés : écarteurs, bistouris monopolaires et bi-polaires, pinces de dissection, pinces bi-polaires et laser, pince de saisie, porte-aiguille sont inclus dans le système.

Le système da Vinci de la société Intuitive Surgical est commercialisé depuis plus de dix ans dans une version de trois bras. Le modèle actuellement en vente comporte quatre bras portant un instrument supplémentaire simultanément.

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(Le télémanipulateur da Vinci®)

Analyse des données médicales disponibles

Certaines disciplines chirurgicales ont une plus grande expérience de l’utilisation des robots (ex : urologie) et, dans leur cadre, certains types d’interventions ont fait l’objet de plus d’études (ex : prostatectomie). Il est à noter que d’autres indications commencent à faire l’objet d’études et qu’à l’avenir, la pratique du robot pourrait se déplacer vers d’autres types d’interventions.

En urologie, l’opération la plus fréquemment réalisée et étudiée est la prostatectomie radicale. Il existe des travaux comparant l’intervention classique, sous cœlioscopie et sous cœlioscopie avec robot : globalement l’utilisation du robot donne des résultats équivalents à ceux de la chirurgie en gagnant sur la quantité de sang perdu et sur les suites opératoires, ce qui se traduit par une réduction des durées de séjour. Une autre indication bénéficiant de quelques études est la néphrectomie partielle. Pour l’avenir, des équipes pourraient s’intéresser à des interventions comme les cystectomies, les tumeurs limitées du rein et les maladies de la jonction pyélocalicielle, ou le prélèvement de rein sur donneur vivant.

En gynécologie, l’apport du robot parait assez marginal par rapport à la chirurgie mini invasive, avec néanmoins quelques bénéfices en termes de durée de séjour et de suites opératoire, notés pour la réalisation de l’hystérectomie. D’autres indications pourraient s’avérer intéressantes et faire l’objet d’études.

D’autres disciplines seraient concernées, comme la chirurgie digestive, où la chirurgie bariatrique (gastroplastie) a fait l’objet de quelques études, les experts citant la chirurgie du bas rectum, du foie et du pancréas comme pouvant faire l’objet de ce type d’intervention; la chirurgie ORL où certains cancers aérodigestifs pourraient être opérés sans trachéotomie ou sonde gastrique et qui constituerait une avancée majeure pour les tumeurs très graves. Dans le cadre de la chirurgie pédiatrique, tous les domaines sont concernés et même si les données actuelles sont relativement pauvres, les experts considèrent que les bénéfices pour ces patients seraient très intéressants. En chirurgie cardiaque et thoracique, le peu d’études disponibles ne permettent pas de montrer l’intérêt de ce type de chirurgie par rapport à la méthode plus classique.

Résumé

La rareté des comparaisons prospectives randomisées diminue la certitude des conclusions que l’on peut tirer des agrégations de résultats publiés. Les avantages de la chirurgie robotique, quant ils existent, apparaissent plus importants vis à vis de la chirurgie ouverte que de la chirurgie laparoscopique. La prostatectomie radicale, qui est de loin l’intervention la plus fréquemment réalisée avec une assistance « robotique », n’est pas celle où les bénéfices potentiels sont les plus importants, qui sont plutôt à rechercher du côté de la chirurgie ORL, gynécologique, pédiatrique, viscérale ou, en urologie, du côté de la néphrectomie partielle. L’absence de comparaisons formelles dans la littérature amène à négliger d’autres interventions (plasties des voies urinaires, cures de prolapsus) dont les séries publiées laissent cependant pressentir un bénéfice potentiel de la réalisation robot-assistée. Il serait donc essentiel d’imposer une démarche scientifique rigoureuse accompagnant l’utilisation des robots.

Analyse médico-économique

Le prix d’un système da Vinci est de l’ordre de 2 millions d’euros et le coût de maintenance d’environ 150 000 € par an. Le cout des consommables est de l’ordre de 1 900 euros par intervention.

Selon les données disponibles, les économies attribuables à la réduction des durées de séjour et la simplification des suites opératoires sont en général surpassées par les surcoûts imputables au robot.

D’après une analyse de l’agence canadienne CADTH, une augmentation du nombre d’interventions par an permettrait de diminuer le coût marginal par patient et rendrait les interventions plus efficientes ; toutefois, l’agence estime qu’une intervention robotique a plus de trois chances sur quatre d’être plus coûteuse qu’une intervention laparoscopique.

Dans une étude réalisée par l’URC-éco fondée sur des résultats observés à l’AP-HP, la différence assez importante entre les durées d’hospitalisation (4 jours avec robot versus 6 sans robots), aboutit à un coût total de la prostatectomie assistée par robot égal à celui réalisé sans robot, pour un nombre de 450 interventions par an.

Enfin, ces conclusions obtenues essentiellement sur une indication (prostatectomie radicale) sont difficilement extrapolables à d’autres situations.

Place dans la stratégie thérapeutique

Dans le cadre de cette évaluation terminée en février 2012, l’absence de comparaisons prospectives randomisées de bon niveau diminue la portée des conclusions que l’on peut tirer en termes d’utilisation et de place dans la stratégie thérapeutique des robots. Jusqu’à présent, le système da Vinci a été utilisé pour un grand nombre d’interventions différentes dans toutes les disciplines chirurgicales, à l’exception de l’orthopédie.

Afin de palier à ce manque de données, l’utilisation actuelle et future des robots devrait s’accompagner de la mise en place d’une démarche scientifique rigoureuse d’évaluation permanente, que ce soit sous la forme d’études comparatives ou de registres par pathologie.

Il semble que les avantages constatés avec la chirurgie robotique soient plus importants vis-à-vis de la chirurgie ouverte que vis-à-vis de la chirurgie laparoscopique.

Une « optimisation » de l’utilisation des robots devrait se faire dans deux sens :

– sous l’aspect organisationnel, cet équipement devra être utilisé de la manière la plus intensive possible. Compte tenu des coûts fixes importants, une utilisation maximisant le nombre d’interventions par unité de temps permettrait d’y augmenter l’efficience. Il faudrait cependant rester vigilant sur les indications. Des exemples ont pu être rapportés d’effet d’aubaine lié à l’acquisition du robot.

– sous l’aspect du « mix » des indications, des bénéfices plus importants que ceux obtenus actuellement lors de la prostatectomie radicale seraient plutôt à chercher du côté de la chirurgie ORL, gynécologique, pédiatrique ou, en urologie, du côté de la néphrectomie partielle. L’utilisation des robots devrait s’adapter en permanence à l’état des connaissances dans les différentes disciplines afin d’apporter le plus grand bénéfice aux patients.

Les technologies alternatives

Deux types d’équipement sont actuellement envisagés : des télémanipulateurs « complets » concurrents potentiels du Da Vinci, et des instruments motorisés faisant appel à des interfaces robotiques et ne visant qu’à l’exécution d’un geste ou d’une classe de gestes.

–     Parmi les robots « complets » visant à intégrer/remplacer le plus de fonctionnalités, on peut mentionner, en plus du robot da Vinci, les robots « Amadeus » (Titan Inc) et « Raven » (Université de Washington). Ces alternatives n’ont pas encore été testées cliniquement.

–     Les autres systèmes, plus légers, moins chers et moins polyvalents permettent d’optimiser une seule fonction de la chirurgie. Plusieurs dispositifs ont commencé à être développés par différentes entreprises, ayant des fonctions précises comme la section, l’hémostase, la suture, la fermeture des parois, etc.

Ces dispositifs, même marqués CE dispositif médical, n’ont pas atteint un niveau de pénétration significatif du marché. Toutefois cette situation pourrait évoluer très rapidement. C’est la raison pour laquelle une veille technologique s’impose dans ce domaine.

Conclusion

Cet article synthétise les données médicales et médico-économiques analysées pendant les travaux menés par le Pr. Laurent Sedel avec l’appui opérationnel du CEDIT, sur l’avenir de la chirurgie assistée par robot à l’AP-HP.

Les seuls télémanipulateurs disponibles actuellement sur le marché sont les équipements de la gamme da Vinci de la société Intuitive Surgical. Il existe des tentatives de proposer des solutions techniques alternatives, non encore abouties

Il existe des données pour certaines interventions qui sont aujourd’hui effectuées en routine dans des bonnes conditions de sécurité. Toutefois l’absence de comparaisons prospectives randomisées de bon niveau de preuve diminue la certitude des conclusions que l’on peut tirer des agrégations de résultats publiés.

L’apport de l’analyse médico-économique est très important dans ce cas car elle met en lumière la relation entre un progrès thérapeutique encore incertain et un coût de mise en œuvre important. Cette analyse peut offrir des pistes pour une utilisation optimale des robots.

Il faudrait accompagner l’utilisation des robots d’une démarche scientifique rigoureuse, la meilleure méthode pour les experts serait l’obligation d’implémenter un registre par pathologie concernée.