Désinfection du centre de traitement des brûlés de l’AP-HP (Saint-Louis) à l’aide du peroxyde d’hydrogène vaporisé (Bioquell)

Bioquell image

Consulter la présentation réalisée en CEDIT plénier: présentation Bioquell:

Consulter l’avis définitif du CEDIT: Avis CEDIT

RESUME

Suite à une épidémie par Acinetobacter baumannii survenue au centre de traitement des brûlés de Saint-Louis, le CEDIT et le CCLIN Nord ont été saisis fin janvier 2015 par la directrice du groupe hospitalier Saint-Louis, Lariboisière, Fernand-Widal, pour un avis sur le procédé de désinfection par vaporisation de peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) proposé par l’entreprise Bioquell. L’objectif est de fournir des éléments d’aide à la décision concernant la poursuite ou non de ce procédé de désinfection après août 2015.

Méthode de travail : faisant suite à la réponse du CCLIN Nord en février 2015, le CEDIT suppose que les recommandations en termes d’hygiène et de bionettoyage sont respectées, et se concentre sur la performance du système Bioquell.

Aspects techniques : les systèmes Bioquell de désinfection par voie aérienne (DSVA) utilisent une solution aqueuse de peroxyde d’hydrogène à 35 % déposée sur des plaques chauffantes qui passe rapidement à l’état gazeux pour être entrainé par un flux d’air projeté dans l’espace à désinfecter. Un système Bioquell comprend quatre éléments : un générateur VPH, une sonde, une unité d’aération et un module de contrôle déporté. Un seul générateur est capable de traiter un volume allant jusqu’à 250 m3 dans une gamme de température s’échelonnant de 15 à 30°C. Il est automatisé et peut être commandé à distance. Une unité d’aération convertit ensuite la vapeur de peroxyde d’hydrogène en vapeur d’eau et en oxygène sans résidu, par voie catalytique. La technologie peut être utilisée soit par les agents de l’établissement de soins, soit par des prestataires extérieurs proposés par l’entreprise Bioquell.

Aspects médicaux : selon les données disponibles, la DSVA par vaporisation de peroxyde d’hydrogène à l’aide des systèmes proposés par Bioquell semble être une méthode microbiologiquement efficace de désinfection L’absence d’étude clinique comparant Bioquell à l’efficacité du bionettoyage seul limite la portée des résultats. Une étude a examiné l’efficacité de Bioquell dans des chambres précédemment occupées par des patients infectés avec des germes multi-résistants, et pas une politique systématique de désinfection de l’ensemble des chambres. En tout état de cause Bioquell ne doit être utilisé qu’en complément au bionettoyage (nettoyage et désinfection) et ne peut s’y substituer. Les études ne rapportent pas d’effets secondaires (toxiques) de l’utilisation du système proposé par Bioquell chez les patients et personnels soignants.

Aspects médico-économiques : Le coût mensuel de la réalisation d’une prestation complète (comprenant l’intervention d’un technicien de l’entreprise) à l’hôpital Saint-Louis serait de 13°700 euros hors taxe. L’intervention actuelle consiste en la désinfection de chaque chambre de patients sortant (environ 5 chambres à désinfecter par semaine). Il n’y a pas d’étude dont les résultats pourraient permettre d’estimer l’impact médico-économique de l’utilisation de Bioquell dans le centre de prise en charge des brulés de l’hôpital Saint-Louis. Il est possible qu’une optimisation des ressources puisse intervenir avec une désinfection s’adressant en priorité aux chambres précédemment occupées par des patients infectés par des bactéries multi-résistantes.

Aspects organisationnels : le centre de traitement des brûlés adultes de l’hôpital Saint-Louis est le seul centre de prise en charge de ce type de patients à l’AP‐HP, le seul autre centre en Ile-de-France étant celui de l’hôpital d’instruction des armées Percy (Clamart). Dans le centre de Saint-Louis, deux opérations doivent être successivement effectuées : application de règles d’hygiène très strictes touchant aussi bien le personnel, les patients que les visites et un bionettoyage de qualité. Un renforcement de ces deux volets est un préalable indispensable à toute méthode complémentaire. L’utilisation régulière du peroxyde d’hydrogène pose des questions pratiques comme la nécessité de libérer les locaux (la désinfection par Bioquell ne rallongerait pas significativement le délai pendant lequel la chambre est indisponible) et la nécessité d’employer un personnel qualifié, spécifiquement dédié à cette tâche.

Recommandations du CEDIT :

  • Le système Bioquell suppose que, préalablement à son utilisation, les recommandations d’hygiène et de bionettoyage soient observées et respectées. Ces recommandations sont un prérequis essentiel à une lutte efficace contre les infections nosocomiales.
  • En complément des pratiques d’hygiène et de bionettoyage, la vaporisation de peroxyde d’hydrogène pourrait être susceptible de renforcer le niveau de désinfection du centre de traitement des brûlés de l’hôpital Saint-Louis.
  • La vaporisation pourrait être réalisée, soit systématiquement dans toutes les chambres après la sortie des patients, soit de manière plus ciblée dans les chambres précédemment occupées par des patients porteurs d’un micro-organisme connu pour sa capacité à persister dans l’environnement et/ou présentant un profil de résistance particulier aux antibiotiques. Compte tenu des données montrant un niveau de preuve plus convaincant lorsque la désinfection par Bioquell est sélectivement appliquée, le CEDIT ne peut privilégier une désinfection systématique de l’ensemble des chambres.
  • Le CEDIT souligne toutefois que le procédé Bioquell devrait être mieux évalué. Il recommande qu’une étude soit mise en place dans le service des brûlés de l’hôpital Saint-Louis afin d’évaluer l’efficacité du procédé et son efficience.