Entretien avec le Professeur Vidailhet, Présidente de la Collégiale des Neurologues

Vidailhet photo 2013

Professeur Marie Vidailhet

Le 3 juin 2013, l’équipe du CEDIT a rencontré le professeur Marie Vidailhet, présidente de la Collégiale des Neurologues qui a présenté un état des lieux en matière d’innovation en Neurologie.

Evolution de la spécialité

Le Pr. Vidailhet a souligné l’évolution importante opérée en 15 ans dans le domaine de la neurologie avec l’apparition d’innovations thérapeutiques et diagnostiques majeures. La discipline demeure dynamique et cet aspect combiné aux développements de techniques de pointe, en fait une discipline hospitalière jeune et attractive.

Les neurologues sont, dans l’ensemble, bien répartis sur le territoire français et la neurologie reste principalement représentée dans les établissements hospitaliers publics ; cette discipline a un rôle structurant au niveau national. Avec 110 PU-PH et 2 000 spécialistes en neurologie, l’effectif n’est pourtant pas le plus important en comparaison à d’autres disciplines.

L’augmentation de la longévité des patients et la nécessité d’un suivi plus attentif, rendu nécessaire par l’apparition de médicaments plus efficaces mais aussi avec plus d’effets indésirables, entraînent le besoin d’un renforcement numérique des praticiens pour prendre en charge ces patients. Ce suivi et l’adaptation thérapeutique sont préférentiellement réalisés par le neurologue.  Les médecins généralistes restent les médecins référents des patients et prennent en charge l’ensemble des pathologies associées ; dans la nouvelle maquette de leur formation, le passage en stage de neurologie n’est pour l’instant pas inscrit dans le cursus.

L’allongement de la durée des traitements, l’émergence de technologies thérapeutiques et diagnostiques nouvelles et le nombre limité de praticiens, en risque de sous-effectif, ont poussé ceux-ci à une forte collaboration entre les différents sites français. Cela donne à la discipline une cohérence et une dynamique sur tout le territoire, pour une vision homogène de la neurologie, tant en recherche qu’en soins (stratégies thérapeutiques, sécurité des patients). L’exemple du Plan Parkinson pour la prise en charge des patients atteints de cette pathologie est représentatif de cet effort de cohésion nationale.

Quelques exemples spécifiques d’avancées importantes

Les unités neurovasculaires (UNV) sont un des domaines de pointe de la neurologie et une des sources d’innovation en soins (par exemple SOS AIT), et chaque équipe développe des centres d’intérêt spécifiques (maladies des petites artères, gros vaisseaux, épidémiologie,  etc.). Ces UNV ont amélioré la qualité de la prise en charge et drainent un nombre toujours plus important de patients. Elles sont à l’origine d’une amélioration des modes d’administration et de la sécurité de l’usage, particulièrement pour les thrombolytiques (ex: activateurs tissulaires recombinés du plasminogène ou rTPA) ou les anticoagulants.

Les travaux dans le domaine de l’endovasculaire, représentés entre autres à l’hôpital Bichat, ont beaucoup progressé.

Ces unités ont crée un lien important avec d’autres disciplines comme l’imagerie et la cardiologie, qui bénéficient également des progrès obtenus.

La stimulation cérébrale profonde (DBS), technologie de pointe initialement découverte par les équipes de Grenoble, a été en forte expansion, principalement pour des pathologies liées à la motricité.

Si elle est utilisée en routine avec succès pour traiter la maladie de Parkinson depuis de nombreuses années, elle demeure innovante notamment grâce aux nouvelles indications et aux améliorations techniques (réglages, interface cerveau-machine). Pour le traitement des mouvements anormaux tels que la dystonie, on obtient à présent une restauration de 50 à 90% des capacités du patient, alors que ces patients souffraient d’une absence quasi totale de traitement auparavant. La DBS peut être utilisée également pour le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette ou les troubles obsessifs compulsifs très sévères (TOC). Les équipes neurologiques ont également affiné le suivi des patients traités par DBS ce qui permet de mieux étudier les facteurs de pronostic, lors d’une indication opératoire.

Pour des pathologies liées au comportement types addictions (tabac, alcool…), nous restons dans le domaine de la recherche et la stimulation et plus généralement la chirurgie du comportement nécessitent encore un encadrement par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE). Il en est de même pour la recherche émergente dans les troubles cognitifs et la stimulation cérébrale profonde.

Dans tous les cas, la recherche est coordonnée pour l’ensemble des sites français de stimulation cérébrale, au sein du réseau des Centres d’Investigation Clinique (CIC), et des sites pilotes prennent en charge des thématiques spécifiques. La coopération entre les différents sites existe depuis de nombreuses années, et s’avère efficace, comme en témoignent les succès aux PHRC nationaux, et les publications de haut niveau international.

L’innovation en neurologie se retrouve également dans le traitement de la sclérose en plaques. L’apparition de nouveaux médicaments modulateurs de lymphocytes, a permis d’améliorer le pronostic. Ces médicaments obligent cependant une surveillance supplémentaire, avec un risque de développement de maladies opportunistes liées à une immunodéficience (LEMP). Une modification de la prise en charge de ces patients devrait voir le jour, en raison de l’efficacité de ces nouvelles molécules.

Une amélioration de la prise en charge des tumeurs (glioblastome,…) est observée : le choix plus ciblé de la thérapeutique se fait grâce à l’accès à la génétique de la tumeur (ce  qui permet de connaître sa sensibilité par rapport à une chimiothérapie donnée). Le gain en termes de qualité de vie est notable. L’équipe leader à l’AP-HP est celle de la Pitié-Salpêtrière.

La chirurgie de l’épilepsie est sous-tendue par de nouveaux développements technologiques et scientifiques dans le traitement du signal (EEG, enregistrement intracérébraux) et en imagerie ce qui permet une amélioration du choix des zones-cibles. La recherche préclinique dans cette indication est en constante expansion.

Dans tous les domaines, la personnalisation de la thérapeutique en fonction du profil clinique du patient, la recherche de la meilleure récupération fonctionnelle et la diminution du risque sont au cœur de l’innovation en neurologie.

Le futur en neurologie passe par le rapprochement  encore plus important entre la recherche et la clinique, et par le développement de thérapeutiques innovantes. Parmi les structures illustrant cette démarche, on peut citer les exemples des nombreuses unités de recherche INSERM/CNRS/Université implantées dans les CHU, ou de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière à l’hôpital Pitié-Salpêtrière de l’AP-HP. Les neurosciences représentent environs un tiers des demandes aux appels d’offre des PHRC et constituent un pôle important de la recherche en Ile de France.

Nous remercions le professeur Vidailhet pour son aimable participation.