L’adaptation de la spectrométrie de masse à l’environnement chirurgical pourrait permettre d’identifier en un temps réduit, de l’ordre de la seconde, la malignité d’un tissu afin de permettre une résection de meilleure qualité. Cette technique repose sur l’association d’un nouvel instrument chirurgical dénommée iKnife et d’une technique d’analyse spectrométrique intitulée Rapid Evaporative Ionization Mass Spectrometry (REIMS).
La spectrométrie de masse est une technique d’analyse permettant de détecter et d’identifier des molécules par mesure de leur masse et de caractériser leur structure chimique. Longtemps réservée à un usage en laboratoire, la spectrométrie de masse s’est vue enrichie d’une technique non invasive permettant une exploration in vivo. La REIMS, ou Rapid Evaporative Ionization Mass Spectrometry, fut créée en 2009 par l’équipe du Dr Zoltan Takats [1] Son originalité repose sur une phase d’ionisation rapide grâce à la vaporisation des tissus lors de méthodes chirurgicales classiques (soit par pinces électro-chirurgicales, soit par lasers chirurgicaux). Cette phase d’ionisation rapide permet au spectromètre de masse d’analyser l’échantillon en quelques secondes.
Dans une étude de 2013, J. Balog et Z. Takats [2] présentent une série de 302 patients ayant permis d’obtenir 1 624 échantillons cancéreux, 1 231 échantillons non cancéreux et 78 échantillons avec une pathologie inflammatoire. Des analyses ont permis de construire des algorithmes d’identification des tissus atteints. Lors de cette phase, le taux d’erreur diagnostique allait de 0 à 7,7%. Dans un second temps, une série de 81 patients a été prise en compte lors d’interventions chirurgicales, permettant d’éprouver leurs modèles. La sensibilité de cette technique était de 97,7%, la spécificité de 96,5%, le taux de faux positifs de 3,5% et celui de faux négatifs de 2,3%. Cette étude démontre la faisabilité et ouvre des perspectives de développement intéressantes.
Développé par l’Imperial College of London, la technologie iKnife a été achetée par l’entreprise Waters en 2014. Cette technologie nécessite encore quelques années de développement avant qu’elle puisse être envisagée en pratique clinique. En revanche, elle pourrait bouleverser la pratique clinique et ouvrir de nombreuses perspectives de recherche.
Par ailleurs l’utilisation de la spectrométrie de masse en médecine semble être un domaine émergent en cours d’exploration. Un essai clinique vient de débuter aux Etats-Unis pour évaluer l’intérêt de l’IRM et de la spectrométrie de masse peropératoire dans la chirurgie conservatrice du cancer du sein [3]. Les premiers résultats de cette étude devraient être disponibles en 2019.
[1] K. C. Schäfer, J. Dénes, K. Albrecht, T. Szaniszló, J. Balog, R. Skoumal, M. Katona, M. Tóth, L. Balogh, Z. Takáts, In vivo, in situ tissue analysis using rapid evaporative ionization mass spectrometry. Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 48, 8240–8242 (2009)
[2] Intraoperative Tissue Identification Using Rapid Evaporative Ionization Mass Spectrometry Júlia Balog et al. Sci Transl Med 5, 194ra93 (2013); DOI: 10.1126/scitranslmed.3005623
[3] Evaluating Mass Spectrometry And Intraoperative MRI In The Advanced Multimodality Image Guided Operating Suite (Amigo) In Breast-Conserving Therapy. NCT02335671