Aquaphérèse : ultrafiltration pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque

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RESUME

Le CEDIT a été saisi par l’AGEPS pour évaluer l’intérêt et la place à réserver à la méthode thérapeutique appelée « aquaphérèse », processus visant à réduire de manière non pharmacologique la surcharge hydrosodée des patients ayant une insuffisance cardiaque congestive.

Aspects techniques : Le terme « ultrafiltration » désigne l’extraction d’eau du système vasculaire via une membrane, soit par hémodialyse soit par hémofiltration. Le terme « aquaphérèse » désigne une ultrafiltration par hémofiltration réalisée spécifiquement à l’aide du système Aquadex FlexFlow™, appareil portable produit par la société Gambro. Il s’agit d’une technique moins contraignante qui se caractérise par un volume de sang extracorporel faible d’environ 35 ml, par un débit sanguin de 10 à 40 ml/min et d’un débit d’extraction qui peut être réglé entre 10 et 500 ml par heure, le prélèvement et la réinjection s’effectuant par des veines périphériques.

Aspects médicaux : L’ultrafiltration a fait l’objet d’études cliniques (dont certaines avec le système d’aquaphérèse Aquadex FlexFlow™), rapportant des avantages mais également des inconvénients par rapport au traitement diurétique. Aucune étude ne permet d’affirmer un bénéfice clinique supérieur versus les diurétiques. Selon les recommandations américaines et européennes actuelles, l’ultrafiltration apparait comme une alternative aux diurétiques, utile aux patients en insuffisance cardiaque aiguë congestive résistants ou ayant une contre-indication aux diurétiques. Or, il n’existe pas de définition consensuelle de la résistance aux diurétiques, et elle continue d’être du domaine de l’appréciation du clinicien. Les études concernant l’utilisation de l’ultrafiltration dans l’insuffisance cardiaque chronique ouvrent des perspectives de recherche favorables.

Aspects médico-économiques : Selon le fabricant, un kit à usage unique, d’une durée d’utilisation maximale de 72 heures, coûte environ 700€. Le codage CCAM le plus probable associé à l’utilisation de l’aquaphérèse serait « séance d’ultrafiltration plasmatique » (FEJF009) tarifé à 44.53 €, qui ne couvre que partiellement cette procédure mais qui n’a été utilisé que dans 52 cas (36 séjours) en 2014 à l’AP-HP. Aucune étude médico-économique française n’est actuellement disponible. Du point de vue médico-économique, l’intérêt de l’aquaphérèse reposerait sur une réduction des durées d’hospitalisation et du nombre de ré-hospitalisations, ce qui n’est pas clairement établi du fait des résultats peu solides observés dans les études cliniques. (ex : résultats différents entre les analyses médico-économiques québécoise et britannique) et des difficultés d’extrapolation au système de soins français.

Aspects organisationnels : L’acquisition de l’aquaphérèse doit faire l’objet d’une réflexion multidisciplinaire au sein de l’hôpital (cardiologues, anesthésistes-réanimateurs, transfuseurs etc.) et d’une formation spécifique des personnels impliqués. Il semblerait que l’aquaphérèse peut être réalisée dans certaines conditions en structure de soins ambulatoire comme l’hôpital de jour.

Recommandations du CEDIT :

  • Donner la possibilité à l’AP-HP d’acquérir et d’utiliser le système d’aquaphérèse Aquadex FlexFlow™ de la société Gambro, pour des patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive qui ont une contre-indication ou résistent au traitement médicamenteux, notamment par diurétiques. En effet, chez ces patients, l’aquaphérèse permettrait de répondre à un besoin non complétement couvert et constituerait une alternative thérapeutique utile.
  • Cette technologie devrait être installée dans un nombre limité de centres prenant en charge ce type de patients et où les contraintes organisationnelles et la coopération entre les différentes professionnels de santé permet d’espérer des résultats favorables.
  • Selon les données économiques disponibles, le coût d’une prise en charge impliquant cette technologie dépasserait celui de l’acte CCAM correspondant à cette activité. Dans le cas où cette technologie serait adoptée à plus large échelle, une démarche visant à revaloriser l’acte ou les GHS correspondants pourrait être envisagée.
  • Malgré les études déjà disponibles, une étude visant à mieux préciser la place de l’aquaphérèse dans la stratégie thérapeutique et à identifier les patients pouvant bénéficier au mieux de cette technologie serait utile. Si une évaluation nationale était envisagée, un PHRC avec un critère secondaire économique ou éventuellement un PRME seraient adaptés à l’évaluation de l’aquaphérèse au stade actuel de son développement.