Evaluation des Technologies de Santé en milieu hospitalier : « Hospital-Based HTA »

1. Evaluation des technologies de santé

Le concept d’évaluation des technologies de santé (Health Technology Assessment ou HTA) est né dans les années 1970 des constats (1) qu’une décision en santé doit être fondée sur des preuves scientifiques actualisées, et (2) que le développement scientifique est trop abondant et complexe pour être suivi individuellement par le praticien ou le décideur.

La demande adressée à la communauté scientifique a été de développer des méthodes et des concepts permettant l’intégration des résultats de la recherche dans les processus de soins et de prise de décision. Il en a résulté le développement de :

– méthodes intégratives (ex : méta-analyses et revues systématiques, tels que pratiqués par la Cochrane Collaboration) et

– concepts, que ce soit pour le processus de soins (Evidence Based Medicine) ou pour la prise de décision en politique de santé (Health Technology Assessment)

On peut définir les technologies de santé comme tout ce qui peut avoir un impact sur la santé, à travers le processus de soin. Les médicaments, les dispositifs médicaux, les actes et procédures mais également les organisations sont des technologies de santé

L’évaluation des technologies de santé (HTA) peut être définie quant à elle comme l’analyse, l’agrégation et la synthèse de l’information scientifique sur l’impact des technologies sur la santé ou sur le système de soins.

On distingue classiquement quatre principaux axes dont l’ensemble constitue une évaluation type HTA :

Evaluation technique : cet axe a comme objectif de vérifier que la technologie fait ce pour quoi elle a été conçue. Les dispositifs médicaux sont ici un bon exemple pouvant nécessiter l’avis d’un ingénieur biomédical (le médicament constitue un sujet à part avec la problématique de la qualité pharmaceutique, du mécanisme d’action, de tests précliniques – voir rapports d’évaluation EMA). Cette évaluation technique aide aussi à l’implémentation d’un équipement ou d’un dispositif en prenant en compte les contraintes d’installation dans son environnement (ex : robot chirurgical)

Evaluation médicale : vise tout d’abord à apporter une connaissance sur le rapport intrinsèque entre bénéfices et risques d’une technologie de santé. Elle permet ensuite de connaitre le progrès  d’une technologie par rapport aux alternatives (notions équivalentes : efficacité relative, valeur thérapeutique ajoutée), dans les conditions théoriques de l’expérimentation (Relative Efficacy) ou en pratique réelle (Relative Effectiveness). C’est ce dernier type de preuve qui rentre le mieux dans le cadre de l’HTA.

Evaluation médico-économique : en prenant en compte simultanément les coûts et les conséquences et en comparant deux ou plusieurs alternatives, cette évaluation aide les décideurs à allouer de manière optimale les ressources.

Evaluation de « l’acceptabilité sociale » : la décision d’adopter ou non une technologie de santé doit tenir compte d’éléments scientifiques mais également du contexte, comme les facteurs éthiques, juridiques mais aussi psychologiques de la population.

Une fois réalisée, l’évaluation est présentée sous la forme d’un rapport, recommandation ou avis qui devrait refléter la connaissance dans les quatre domaines. Lors de son écriture, il est essentiel de ne pas négliger la rédaction et la présentation des résultats : le rapport d’HTA doit être lisible, clair, complet et informatif, bien référencé, mais également concis si on veut qu’il soit lu et compris par les décideurs.

Le rôle et la raison d’être de l’évaluation est de faire des recommandations pour aider à une prise de décision fondée sur la preuve scientifique (outil d’aide à la décision). Mais elle ne doit pas se substituer à la décision. Il faut être conscient que les décideurs peuvent avoir d’autres critères lors du choix qu’ils sont amenés à prendre (ex: Goddard, 2006 ).

En même temps, l’HTA peut également donner la possibilité aux professionnels de santé et aux patients de juger les décisions prises (accountability)

Plus généralement, étant donnée la corrélation positive et dans les deux sens entre état de santé de la population et développement économique d’un pays, et le fait que l’HTA contribue à un processus rationnel d’investissement en choisissant les meilleures interventions, l’HTA a montré un impact positif sur la santé des populations et également sur le développement économique (McKee, 2005 )

2. Pourquoi une HTA en milieu hospitalier

L’HTA en milieu hospitalier permet de répondre à des questions spécifiques dans un contexte spécifique et peut constituer un outil d’aide à la décision utile dans les grands hôpitaux universitaires.

Tout d’abord, certaines technologies de santé utilisées dans les hôpitaux ne sont pas évaluées au niveau national. Le meilleur exemple, valable dans la plupart des pays européens, est le dispositif médical, qui est souvent adopté par les hôpitaux sans une évaluation par des agences nationales.

Même si certaines technologies sont évaluées au niveau national, les recommandations faites à ce niveau sont souvent globales et générales, ne répondant que partiellement aux questions précises qui se posent dans le cadre et le contexte local des hôpitaux. De plus, les critères de jugement pertinents pour l’hôpital peuvent parfois être différents, en fonction des priorités des hôpitaux.

En même temps, l’hôpital universitaire est devenu le principal point d’entrée dans le système de santé des nouvelles technologies coûteuses et doit répondre rapidement à une demande des industriels, des praticiens et des patients pour adopter ces technologies. L‘évaluation est donc plus précoce que celle réalisée au niveau national, doit être aussi plus réactive et utilise souvent une information moins abondante. 

Enfin, l’hôpital peut avoir un intérêt direct (médical, économique, organisationnel) pour que l’évaluation nationale soit réalisée rapidement et peut collaborer avec l’agence nationale dans le processus d’évaluation des nouvelles technologies (ex: reconnaissance de nouveaux actes médicaux).

Par ailleurs, dans certains pays même développés non encore pourvus d’un système national d’évaluation (ex : Japon), les grands hôpitaux universitaires semblent intéressés pour développer au niveau local une évaluation les aidant à prendre des décisions éclairées. Cependant, cette palliation ne permet pas de répondre à des questions sur des technologies non strictement hospitalières.

En conclusion, pour l’hôpital dans son contexte local, l’HTA permet de proposer un accès effectif pour tous à des soins de qualité, d’utiliser les ressources disponibles de manière optimale, d’assurer un accès rapide aux innovations (avec une attractivité également en termes de recherche et de formation des jeunes praticiens), d’assurer un management dynamique de l’ensemble des technologies de santé et d’évaluer les nouvelles organisations (ex : salles opératoires / interventionnelles) afin d’augmenter l’efficacité des soins prodigués.

Juin 2013

Dr. Alexandre Barna, responsable du secrétariat scientifique du CEDIT, AP-HP
Dr. Emmanuel Charpentier, secrétariat scientifique du CEDIT, AP-HP

Avec l’appui du Pr. Bruno Frachet, de M. Björn Fahlgren et M. Marc Vanicatte, secrétariat scientifique du CEDIT, AP-HP.