Professeur Chartier-Kastler
Le 24 Avril 2012, l’équipe du PIVT a rencontré le Professeur Emmanuel Chartier-Kastler, président de la collégiale d’Urologie.
Le professeur Chartier-Kastler nous a présenté un état des lieux en matière d’innovation médicale en urologie.
La principale innovation technologique signalée est le développement du geste chirurgical assisté par ordinateur. Cette aide à la chirurgie concerne notamment la ponction du rein (abord percutané pour néphrolithotomie, drain de cavité etc…) ou de tumeur pour traitement focalisé. L’aide par reconstruction 3D permet le guidage pour les interventions chirurgicales percutanées sur les calculs ou l’assistance lors d’une cryothérapie. Une autre application concerne enfin l’aide à la ponction de biopsie de prostate avec recalage d’image dont la diffusion internationale est en cours.
Ainsi l’innovation en urologie semble fortement liée aux progrès de l’imagerie et aux interactions fortes développées avec la radiologie.
Comme exemple, le dispositif Urostation, développé par le laboratoire grenoblois TIM C avec la participation du département d’urologie de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière et la société Koelis, propose l’assistance par ordinateur pour la chirurgie. L’Urostation permet ainsi la fusion d’images IRM et échographiques pour assister le geste du chirurgien ou obtenir un mappage 3D de l’organe (pour une biopsie de prostate). L’outil développé permet d’améliorer la précision d’une ponction par un recalage échographique en temps réel sur une image IRM, compensant la déformation ou le déplacement de l’organe-cible.
L’évaluation de l’Urostation a bénéficié d’une importante série de biopsies, encadrée par le Docteur Pierre Mozer (MCU-PH à la Pitié-Salpêtrière), qui participe également avec le laboratoire TIM C au développement d’un simulateur de biopsie de prostate à partir de ce dispositif.
L’Urostation est d’hors et déjà utilisée en routine pour la préparation de la chirurgie de calculs.
Aux Etats-Unis, le développement d’une superposition image TDM+IRM pour les mêmes indications n’a que peu donné de résultats probants.
De façon globale, l’imagerie 3D représente un impact conséquent à 10 ans pour les plateaux techniques d’urologie.
Un autre axe serait, l’utilisation du télémanipulateur en urologie, qui a permis d’améliorer l’ergonomie du chirurgien mais qui demeure une innovation controversée. Le développement des assistants-robots à coût réduit (type porte-aiguilles…) encourage le suivi de ces technologies. Le télémanipulateur actuel fait de plus bénéficier le chirurgien d’une vision 3D en vision binoculaire, ce que ne permet pas la laparoscopie conventionnelle. Le retour de forces reste un obstacle important à maitriser lors de l’apprentissage.
Le développement de la neuro-modulation émerge clairement pour les indications urologiques, de même qu’en neurochirurgie et pour le traitement de la douleur. En urologie, la technique de modulation des nerfs (les nerfs sacrés, à l’heure actuelle) peut être appliquée pour les troubles mictionnels. Elle consiste en la stimulation des racines sacrées afin de restaurer le contrôle mictionnel des patients souffrant d’hyperactivité vésicale ou de rétention. Les dispositifs Interstim (I et II) de Medtronic ont ainsi reçu un avis favorable de la HAS en 2010. Les concurrents en sont encore à l’étape des essais cliniques. L’indication pour l’incontinence anale a été approuvée en 2011.
L’avenir de cette technique est son adaptation à d’autres cibles nerveuses (nerf pudendal, clitoridien ou pénien) avec la recherche d’une meilleure cible neurologique. Les résultats sont prometteurs et validés à long terme. Il s’agit d’un traitement de dernier recours dans l’algorithme actuel de prise en charge et de nombreuses études sont donc nécessaires pour l’utiliser plus précocement dans la prise en charge de l’hyperactivité vésicale. Il est clairement sous-utilisé par méconnaissance des indications en pratique quotidienne et par la nécessité du test thérapeutique qui en fait à la fois une force et une faiblesse.
Le problème de la désinnovation se pose également en urologie. Les endoprothèses dans l’urètre en sont un exemple représentatif. Si les prothèses permanentes n’ont pas semblé très intéressantes pour un large public, des résultats significatifs ont été pourtant observés chez les patients souffrant de dissynergie, notamment les patients de sexe masculin porteurs de lésions médullaires comme les traumatisés médullaires ou les scléroses en plaque. Cependant les deux uniques fabricants d’endoprothèses permanentes (Boston Médical et Bard) ont chacun retiré leur dispositif du marché en 5 ans pour des raisons purement économiques, considérant le traitement de la dissynergie pour ces patients comme une trop petite niche pour justifier de garder le produit dans leur catalogue. Ainsi, les praticiens ont donc dû effectuer un retour en arrière quant à leurs techniques de traitement, en ayant recours à nouveau à la sphinctérotomie (de retour à la Pitié-Salpêtrière depuis quelques mois) ou aux prothèses temporaires qu’il faut changer régulièrement.
Le retrait récent du marché par l’industriel de certaines prothèses de réparation de prolapsus utérovaginaux par voie basse confirme, s’il en était besoin, l’utilité pour toutes les équipes de participer à des études de faisabilité ou à des registres observationnels contrôlés en cas d’arrivée de nouveaux produits pour connaître rapidement résultats et effets secondaires.
D’autres innovations sont cependant à prendre en compte :
- L’endoscope souple avec caméra numérique à l’extrémité représente une technologie innovante de par l’absence de fibre optique. Ce type de dispositif n’est cependant pas encore utilisé en pratique routinière.
- Pour le traitement de l’incontinence urinaire, des alternatives au sphincter artificiel sont développées, comme les pompes hydrauliques intelligentes (essai de prototypes en cours)
- Développement de prothèses pour traitement de l’hypertrophie de la prostate
Nous remercions le Professeur Chartier-Kastler pour son aimable participation.