Le 12 juillet 2012, l’équipe du CEDIT a rencontré le Professeur Ariel Cohen, président de la collégiale de Cardiologie qui a présenté un état des lieux en matière d’innovation médicale en cardiologie.
Le Pr. Cohen estime qu’un acte diagnostique ou thérapeutique pourrait être considéré comme innovant s’il aboutit à une amélioration de la conduite à tenir et de la stratégie diagnostique ou thérapeutique. La preuve de cette amélioration devrait être fondée sur des publications et sur une évaluation.
En termes de prédictibilité de la survenue d’événements cardio-vasculaires, enjeu important en cardiologie, une distinction est à faire entre population générale et patients :
– En population générale, des biomarqueurs spécifiques (niveau plasmatique de protéine C-réactive, dosage du peptide natriurétique de type B et des troponines, dosage du fibrinogène, etc.) peuvent s’ajouter aux échelles de risque qui prennent en compte des facteurs modifiables ou non (échelle de Framingham, SCORE, etc.) afin d’obtenir des scores de risque. Ces biomarqueurs ne semblent cependant pas apporter des gains importants en termes de prédictibilité. Des études complémentaires sont en cours.
– Chez les patients suivis, la détermination du risque fait appel de plus en plus à des évaluations de la morphologie du cœur et des vaisseaux (taille et forme du cœur et des cavités, etc.), corrélée à sa fonction (ex : fraction d’éjection, etc.). Plusieurs examens font la preuve de leur utilité dans ce domaine, comme des scanners, des IRM, du cathétérisme éventuellement associé à une luminographie, etc. La mesure de la fraction d’éjection est un examen qui garde toute son importance s’il est réalisé dans les meilleures conditions. Il faut néanmoins prendre en compte l’existence d’une variabilité individuelle importante.
Pour le diagnostic à l’aide de la biologie, aux examens conventionnels comme le dosage de la myoglobine, marqueur précoce de l’infarctus du myocarde ou encore de la créatine kinase MB (CK-MB), pour la même indication, se rajoute dorénavant le dosage de biomarqueurs :
– Certains déjà validés commela CRPultra-sensible, marqueur pronostique des pathologies coronariennes, les troponines, marqueurs de la souffrance myocardique, les peptides BNP et NT-proBNP, marqueurs de divers indications cardiaques. Leur efficacité en tant qu’aide au diagnostic n’est cependant pas totalement établie ;la HASrapporte ainsi que les troponines doivent être considérées plus comme des marqueurs de stratification d’un risque que des marqueurs diagnostiques, peu de données soutiennent clairement l’efficacité dela CRPet son dosage ne semble pas devoir entraîner une modification de la prise en charge.
– D‘autres biomarqueurs sont en cours d’évaluation, comme les troponines ultra-sensibles (cTn us), en tant que marqueurs plus précoce de la nécrose myocardique et du syndrome coronaire aigu (SCA), la copeptine et la myélopéroxidase, en tant que marqueurs diagnostiques du SCA, ou le glycogène phosphorylase BB en tant que marqueur de SCA et d’ischémie myocardique.
Pour le diagnostic par imagerie, deux tendances coexistent : une miniaturisation de plus en plus prononcée des appareils existants, particulièrement en échographie, et en même temps un recours de plus en plus fréquent aux équipements lourds comme les imageurs en 3D, scanners, IRM. Voici quelques exemples d’évolutions dans ce domaine :
– Dans le domaine des ultrasons, on remarque une tendance à la miniaturisation pour développer l’individualisation avec des échographes ultraportables (de la taille d’un Smartphone) ou de l’« échoscopie » pour remplacer le stéthoscope (la sonde remplacée par des capteurs, les oreilles par un Smartphone), pour un coût d’environ 10 000€. Des améliorations logiciel ont été développées : imagerie fine de la paroi, tridimensionnel (non indispensable encore en cardiologie)…
– Pour l’imagerie scanner TDM et IRM, l’innovation se situe au niveau des logiciels (temps d’acquisition réduit, meilleure résolution…) avec des développements pour des niches spécifiques et sans présenter d’évolutions majeures. L’angiographie par IRM s’est développée mais l’observation des artères coronaires n’est toujours pas réalisable, restreignant son efficacité (information peu pertinente et délais trop longs); la pratique reste anecdotique.
– En termes d’imagerie isotopique, les perspectives en cardiologie sont relativement faibles car des alternatives plus simples (échographie, Doppler,…) sont disponibles et cette technique est à considérer uniquement si l’échographie n’est pas interprétable.
– Pour l’imagerie fonctionnelle, dans le domaine des coronaires, l’échographie endocoronaire permet de différencier les sténoses coronaires significatives et non significatives. Par ailleurs, une perspective d’utilisation de l’imagerie fonctionnelle en sus de la luminographie est en cours d’étude.
– L’émergence de l’évaluation de l’athérosclérose est une autre innovation ayant recours à différents types d’imagerie. Il est à présent possible de caractériser la plaque d’athérosclérose plus efficacement, en combinant les données des différentes techniques, par cathéter (angiographie), échographie de surface, IRM ou luminographie. La modalité de rupture de la plaque est encore à décrire.
En ce qui concerne la prise en charge thérapeutique des patients, certaines innovations sont en cours d’évaluation ou de validation :
Ainsi, des progrès notables ont été réalisés ces dernières années pour les techniques de remplacement valvulaire:
– Les valves aortiques percutanées sont pratiquement rentrées dans la pratique courante et font appel de plus en plus à des salles mixtes de chirurgie et de radiologie interventionnelle. Il existe un registre français de l’intervention percutanée aortique à l’université de Rouen.
– Pour les valves pulmonaires percutanées, l’évaluation est encore en cours mais certains de ces dispositifs ont fait la preuve d’une amélioration importante du service attendu par les patients.
– Pour les valves mitrales, certains dispositifs comme le MITRACLIP® (N.B. Voir article « Point sur » ci-joint) sont en cours d’évaluation (N.B. Une demande de PHRC formulée par un groupe multicentrique français vient d’être retenue par le ministère de la santé).
– Pour la valve tricuspide, aucune étude n’est encore disponible.
Concernant la partie « électrique » du cœur, des innovations sont notables dans quelques domaines :
– Différents dispositifs implantables sont toujours en cours d’étude: défibrillateur implantable sans fil, sans sonde ou miniaturisé, pacemaker sans sonde ou des dispositifs sans électrode.
– En termes de télémédecine, il semble que la télésurveillance accessible avec certains défibrillateurs n’apporte pas les gains initialement envisagés. Par ailleurs, la télétransmission de données n’a présenté aucun bénéfice patient selon les publications.
– Les techniques d’ablation intracardiaque n’ont pas connu de développement majeur, car celles-ci se restreignent aux foyers auriculaires, entrainent encore beaucoup de récidives et, en termes de procédures, peu de patients en nécessitent encore (3-5%). Les possibilités de réaliser de tels actes sont donc rares.
Concernant la partie vasculaire, des évolutions intéressantes sont attendues pour les stents, avec l’arrivée prochaine des stents résorbables. Deux autres techniques ont un potentiel intéressant : le traitement percutané des dissections aortiques et la dénervation de l’artère rénale pour certains patients souffrant d’hypertension artérielle, technique en cours d’évaluation dans le cadre d’un STIC. A noter que la technique de radioablation pour traiter les HTA ne semble concerner qu’une petite part de la population souffrant d’HTA.
A noter que l’ensemble de ces points et d’autres seront au programme des XXIIIes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie au Palais des Congrès de Paris le 19 janvier 2013.
Nous remercions le Professeur Cohen pour son aimable participation.