Mitraclip® – clip de réparation mitrale

 

(Le dispositif Mitraclip ®)

En décembre 2012, le Secrétariat Scientifique du CEDIT a identifié le système de réparation mitrale Mitraclip® à travers la fonction de veille technologique (interview ci-dessus du Pr. A. Cohen, président de la collégiale de cardiologie) et a réalisé une revue de la littérature et une évaluation rapide de ce dispositif (voir la lettre de veille n°22), par ailleurs en cours d’évaluation par d’autres agences à travers l’Europe (ex : OSTEBA, agence espagnole) et par la FDA aux Etats-Unis.

 

Description de l’affection et du dispositif

L’insuffisance mitrale (IM) survient en général par des lésions progressives de l’appareil valvulaire mitral (d’étiologie principalement dégénérative et ischémique) et peut aboutir à une insuffisance cardiaque et à des troubles de rythme pouvant mettre en jeu le pronostic vital du patient. Sa sévérité est jugée à l’aide d’un examen échographique, sur une échelle de 1 (légère) à 4 (sévère).

Mitraclip® est un dispositif médical de classe III (marquage CE 2008, en cours d’examen pour autorisation par la FDA), commercialisé par la société Abbott. Il s’agit d’un dispositif permettant de reproduire par voie percutanée la technique chirurgicale introduite par Alfieri qui consiste en la suture des bords des deux feuillets de la valve mitrale, aboutissant à une réduction du reflux anormal de sang du ventricule gauche vers l’oreillette gauche. Ici, un clip métallique remplace la suture, il est acheminé par voie percutanée de la veine fémorale dans l’oreillette droite puis dans l’oreillette gauche à travers le septum interauriculaire.

Mitraclip® est composé d’un système de mise en place incluant le clip implantable, un manchon orientable et un cathéter de largage (cathéter guide orientable incluant un dilatateur). Le clip implantable est à base d’alliages métalliques et de toile polyester. Il peut être ouvert, fermé et inversé à partir de la poignée du cathéter de pose afin de saisir et de rapprocher les feuillets de la valve mitrale.

Analyse des données disponibles

S’ajoutant à plusieurs séries de cas, des études prospectives examinent l’efficacité et la sécurité de ce dispositif ; il s’agit principalement des études EVEREST I, étude interventionnelle non randomisée de faisabilité et EVEREST II, seule étude comparative multicentrique randomisée. Plusieurs autres publications font état de petites études comparatives non randomisées et d’études observationnelles ou de registres, comme la cohorte ACCESS Europe.

Efficacité :

Dans l’étude prospective de faisabilité EVEREST I (Réf. 1), un clip mitral a été proposé à 107 patients. Sur les 76 patients ayant bénéficié de cette intervention avec succès, 50 (66%) ont terminé la période d’observation de 12 mois en vie, sans IM supérieure à un grade 2/4, et sans avoir eu besoin d’une autre intervention chirurgicale (critère d’efficacité = critère principal de jugement).

Un suivi à 5 ans (Réf. 2) des 55 patients (dont 15 patients ont nécessité la mise en place de deux Mitraclip®) a montré les résultats suivants : 14 (25%) perdus de vue car n’ayant pas accepté le suivi à 5 ans ; 16 (29%) ont nécessité une reprise chirurgicale ; parmi les 19 (35%) patients restants, 4 sont décédés et 15 ont fini les 5 ans de suivi avec un état clinique satisfaisant (93% d’entre eux étaient en classe I et II de la classification fonctionnelle NYHA)

L’étude randomisée EVEREST II (Réf. 3), a comparé la réparation mitrale par clip (n=184) à la chirurgie conventionnelle (n=95) chez des patients ayant une IM de grade 3 ou 4, avec une prépondérance d’étiologies dégénératives. Le critère principal de jugement a été un indicateur composite prenant en compte l’absence de décès, de recours secondaire à la chirurgie et de fuite mitrale importante. A 12 mois, ce critère a été observé chez 55% des patients du groupe clip contre 73% des patients du groupe chirurgie conventionnelle (signifiant en fait plus d’événements négatifs avec le clip qu’avec la chirurgie), différence due en fait au recours secondaire à la chirurgie, de 20% dans le groupe clip et de 2% dans le groupe chirurgie ; la mortalité a été la même dans les deux groupes, d’environ 6%, tout comme la persistance d’une IM importante, de l’ordre de 20%.

Une analyse à 2 ans a montré un critère d’efficacité atteint chez 52% des patients du groupe clip et 66% du groupe chirurgie, avec une mortalité non différente d’environ 11% et avec une chirurgie de recours pratiquée chez 22% des patients du groupe clip contre 4% du groupe chirurgie conventionnelle.

Un suivi à 5 ans des patients de cette étude est en cours, les résultats seront connus en 2015

Une étude dérivée d’EVEREST II (Réf. 4) a comparé rétrospectivement 78 patients traités par Mitraclip® mais non-éligibles à la chirurgie car présentant un risque chirurgical trop important, à un groupe témoin de 36 patients similaires suivant un traitement standard (médicamenteux ou chirurgie de la valve mitrale). A 30 jours, la mortalité a été de 7,7% chez les patients Mitraclip®, contre 8,3% chez les patients témoin (p=NS). A 12 mois, le taux de survie a été de 76% dans le groupe Mitraclip® et de 55% dans le groupe témoin (p=0,047). Différentes revues scientifiques ont cependant remis en cause la robustesse de cette étude.

Une autre étude (Réf. 5), tente de renseigner, à partir des résultats de l’étude Everest II, les caractéristiques des patients maximisant l’effet du traitement.

D’autres études commencent à être publiées. Deux autres études comparatives non randomisées (Réf. 6,7) ont conclu que Mitraclip® est une méthode valide de prise en charge pour les patients ayant une IM importante, peut-être plus pour les patients ayant une contre-indication à la chirurgie.

De même, les résultats préliminaires du registre de la Société Européenne de Cardiologie, ACCESS Europe, (257 patients inclus dans la cohorte finale à 6 mois pour 529 patients originellement traités par Mitraclip®), ont rapporté des améliorations jusqu’à 6 mois de la fonction cardiaque et circulatoire. En effet, les séries monocentriques et les registres publiés concordent pour montrer une amélioration fonctionnelle sur des critères cliniques simples (classe NYHA) et parfois des évaluations objectives. Le degré d’IM diminue mais la plupart des patients gardent une IM mitrale légère à modérée. Des limites inhérentes à ce type de registres ont été observées : exhaustivité, absence d’évaluation centralisée pour les événements cliniques et l’IM et lecontrôle du traitement médical. De plus les patients de ces registres sont différents de ceux de l’étude randomisée: majorité d’IM fonctionnelle, haut risque ou contrindication à la chirurgie.

Sécurité :

L’étude EVEREST II a comparé la sécurité des deux procédures en prenant en compte les événements indésirables majeurs (décès, infarctus du myocarde, AVC, nouvelle opération, insuffisance rénale, ventilation de plus de 48h, besoin de transfusion, …) survenant à 30 jours. Ces événements indésirables ont été observés chez 15% de patients du groupe Mitraclip® et chez 48% de patients du groupe chirurgie conventionnelle (p<0,001). En excluant le besoin de transfusion de plus de deux culots (plus fréquemment nécessaire lors de la chirurgie classique), la différence s’amoindrit, 5% dans le groupe Mitraclip® et 10% dans le groupe chirurgie (p=NS). Parmi les 41 patients conservant une IM importante après la pose de Mitraclip®, la fréquence des effets indésirables majeurs a été de 34%, incluant deux morts. Il n’a pas été observé d’embolisation du dispositif.

En mai 2011, le laboratoire Abbott a rappelé les dispositifs non-implantés lorsque 3 cas d’impossibilité de retirer complètement la ligne de pince ont été signalés, sans que cela n’ait d’impact sur les autres patients déjà traités par Mitraclip®. Le dispositif a été remis sur le marché depuis et une recommandation d’utilisation à été diffusée par le laboratoire en décembre 2011.

L’ensemble des registres publiés confirme la bonne sécurité de la procédure.

Discussion :

Mitraclip® a été évaluée par rapport à la chirurgie classique. L’efficacité du dispositif n’apparaît pas meilleure que celle de l’intervention chirurgicale. Seule l’étude randomisée a rapporté une efficacité clinique du Mitraclip® moins bonne sur la nécessité de réintervention mais l’amélioration fonctionnelle est comparable dans les deux groupes. La réduction de l’IM est meilleure avec la chirurgie et le maintien de cette efficacité est encore mal connu au-delà de trois ans. La sécurité du dispositif n’apparaît supérieure à celle de l’intervention que lorsqu’elle est définie en tenant compte de la nécessité de transfusions supérieures à deux culots globulaires.

En revanche, la faisabilité de l’utilisation du dispositif chez des patients non éligibles au traitement chirurgical reste encore à démontrer. Si tous les registres montrent une très bonne faisabilité, les résultats publiés suggèrent, mais ne démontrent pas, des avantages par rapport au traitement médical optimal. Une telle comparaison apparaît souhaitable. Deux essais randomisés qui débutent (COAPT et RESHAPE) évaluant dans l’IM fonctionnelle vs le traitement médical.

Aspects médico-économiques

En termes de coûts, les seuls informations disponibles concernent le coût par procédure (quelque soit le nombre de dispositifs utilisés), d’environ 20 000€ (tenant compte de la proportion non négligeable de patients chez lesquels deux clips s’avèrent nécessaires). Les durées de séjour sont plus importantes chez les patients opérés, mais les données disponibles sur les réhospitalisations rendent difficile l’estimation des coûts totaux. Enfin, le coût de la prise en charge d’un patient non opéré ne bénéficiant pas d’un Mitraclip® n’est pas connu.

Aucune étude médico-économique comparant Mitraclip® aux alternatives n’est pour l’instant publiée. Une telle comparaison serait cependant utile :

– vis-à-vis de l’intervention chirurgicale

– vis-à-vis du traitement médical optimal pour les patients non opérables.

Alternatives et place dans la stratégie thérapeutique

Il existe deux types d’IM à distinguer : l’IM organique pour laquelle le traitement est chirurgical si l’IM est importante et mal tolérée et l’IM fonctionnelle pour laquelle le traitement chirurgical est moins efficace et limité à une minorité. Les IM importantes nécessitent soit un remplacement chirurgical de la valve, soit sa réparation (Réf. 8). La réparation peut être effectuée actuellement par chirurgie ouverte ou par voie percutanée, en utilisant le clip (Mitraclip®) ou une annuloplastie percutanée (technique en cours de développement).

L’annuloplastie percutanée s’emploie à reformer l’anneau mitral en réduisant son diamètre antéro-postérieur par une pression exercée sur le feuillet postérieur. Plusieurs dispositifs ont été conçus, mais un seul était disponible sur le marché en 2011 : le Carillon® Mitral Contour System de Cardiac Dimensions (marquage CE en 2009, en cours d’étude pour autorisation par la FDA). Cette technique, encore en évaluation, ne serait envisagée que pour les patients souffrant de cardiomyopathie dilatée (cœur élargi et affaibli) ou possédant une valve mitrale distendue.

Mitraclip® a été évalué par rapport à la chirurgie classique. Compte-tenu de l’incertitude liée aux données d’efficacité et de sécurité observées dans les études cliniques, le dispositif Mitraclip® pourrait constituer une alternative chez les patients ayant une contre-indication à la chirurgie ou ceux ayant des risques chirurgicaux importants.

Conclusion

Le dispositif Mitraclip® constitue une nouvelle alternative à la chirurgie pour la réparation de la valve mitrale.

Les données disponibles aujourd’hui montrent des résultats engageants mais insuffisants pour montrer la supériorité de Mitraclip® par rapport à la chirurgie classique en termes d’efficacité ou de sécurité. Ce dispositif pourrait toutefois s’avérer plus utile aux patients ayant une contre-indication à la chirurgie ou ceux ayant des risques chirurgicaux importants.

L’efficacité en vie réelle de ce dispositif devrait faire l’objet d’une recherche, probablement dans le cadre d’une évaluation plus globale, médico-économique. Ces données seraient nécessaires avant de pouvoir envisager une diffusion en pratique réelle de ce dispositif. Une demande de PHRC formulée par un groupe multicentrique français coordonné par les Hospices Civils de Lyon (Pr. JF Obadia) vient d’être retenue par le ministère de la santé

Références :

  1. Feldman T et al. “Percutaneous mitral repair with the MitraClip system: safety and midterm durability in the initial EVEREST (Endovascular Valve Edge-to-Edge REpair Study) cohort”. J. Am Coll Cardiol 2009 Aug 18;54(8):686-94
  2. “Final Results of the EVEREST I Feasibility Study of MitraClip Therapy”, présentation au congrès de la Society for Cardiovascular Angiography and Interventions (SCAI) en Mai 2012
  3. Feldman T et al. “Percutaneous Repair or Surgery for Mitral Regurgitation” N. Engl J. Med 2011 ; 364 :1395-1406
  4. Whitlow PL et al. “Acute and 12-month results with catheter-based mitral valve leaflet repair : the EVEREST II (Endovascular Valve Edge-to-Edge Repair) High Risk Study”,J Am Coll Cardiol. 2012 Jan 10;59(2):130-9
  5. Glower et al. “EVEREST II randomised clinical trial : predictors of mitral valve replacement in de novo surgery or after Mitraclip procedure” J. Thorac Cardiovasc Surg. 2012 Apr; 143 (4 Suppl): S60-3
  6. Taramasso M et al. “Mitraclip therapy and surgical mitral repair in patients with moderate to severe left ventricular failure causing functional mitral regurgitation : a single centre experience” Eur J Cardiothorac Surg. 2012 Sept 17
  7. Paranskaya L et al. “Percutaneous vs Surgical Repair of Mitral Valve Regurgitation: Single Institution Early and Midterm Outcomes” Can J Cardiol. 2012 Aug 24
  8. Vahanian A. et al. “Guidelines on the management of valvular heart disease (version 2012)” European Heart Journal (2012) 33, 2451–2496